Bible Commentaries
Job 42

Bible annotéeBible annotée

versets 1-17

42.7-19 L��pilogue

Apr�s les paroles s�v�res de Dieu et l�humble r�tractation de Job, on pourrait s�attendre � ce qu�une peine f�t inflig�e � ce dernier. Mais non ! Ces paroles sont une punition suffisante, et cela d�autant plus qu�elles ont produit chez Job un fruit pr�cieux d�humiliation et une d�claration de confiance absolue en la justice de Dieu. Rien donc ne s�oppose plus � ce que l��ternel, qui a trouv� en lui un adorateur parfaitement d�sint�ress�, lui t�moigne de nouveau toute sa faveur. Ce sont ses amis, au contraire, qui vont �tre les objets du d�plaisir divin. Dieu veut bien leur pardonner, s�ils offrent un holocauste; mais il ne le fera que par �gard pour Job et � la demande expresse de celui-ci.

On peut dire que maintenant le drame est arriv� � son terme. L�intrigue s�il est permis de parler ainsi, est d�nou�e. Les �v�nements reprennent un cours naturel et l�auteur quitte la forme po�tique pour en revenir � la prose, comme dans le Prologue et Job 32:1-6.

� �liphaz : qui, le premier avait r�pondu � Job.

Vous n�avez pas parl� selon la v�rit� Job a eu des propos inconsid�r�s et des jugements pr�cipit�s, mais, sur le fond de la question, il a seul �t� dans le vrai. Les amis avaient eu tort : Dieu ne punissait pas Job, et toute souffrance n�est pas un ch�timent.

Comme mon serviteur Job : comme l�a fait mon serviteur Job, et non pas : autant que mon serviteur Job, comme s�il n�y avait qu�une diff�rence de degr� entre lui et ses amis.

� remarquer aussi dans ces versets la quadruple r�p�tition de l�expression : mon serviteur.

Sept taureaux et sept b�liers : sacrifice consid�rable, car leur faute est grande (Nombres 23:1, note).

Job, en priant pour ses amis (litt�ralement : pour son ami : �liphaz, verset 7; ou bien : pour son prochain), avant m�me d��tre lui-m�me gu�ri, donne une nouvelle preuve du d�sint�ressement de sa pi�t� (Job 1:9). Ce n�est que pendant sa pri�re, au moment o� il ajoute la charit� � la foi, qu�il est d�livr� de sa terrible �preuve.

Donna � Job le double (verset 12) : peu � peu, et non pas en une fois.

11 � 17

Tous les termes du r�cit montrent que nous avons ici une sorte de parabole po�tique, comme nous l�avons dit; l�histoire de Job a �videmment un fond r�el; mais le po�te s�en est empar� pour nous donner, au sujet de cette histoire, l�enseignement qu�il nous destinait.

Ceux qui l�avaient abandonn� dans son malheur (Job 19:13; Job 12:4), reviennent maintenant.

Mang�rent avec lui dans sa maison, litt�ralement : Mang�rent du pain avec lui; mais ce n�est pas sur le pain que l�auteur veut insister. La locution employ�e �quivaut � notre : se mettre � table, prendre un repas.

Une k�sita : un poids quelconque d�argent. L�auteur transporte ici, comme partout, la sc�ne de son po�me dans la plus haute antiquit� : ce terme ne se trouve que dans les r�cits les plus anciens, � propos de l��poque patriarcale (Gen�se 33:19 et Josu� 24:32).

Ce dernier passage est lui-m�me une citation du fait rapport� dans le premier (voir note � Gen�se 33:19).

L�identit� des pr�sents (une k�sita et un anneau) de tous les visiteurs de Job est un des traits par lesquels l�auteur fait voir lui-m�me qu�il faut entendre ce r�cit comme un po�me.

Il en est de m�me pour le nombre des bestiaux qui se trouve �tre exactement le double de l�ancien �tat de choses (Job 1:3).

Avec un tact digne d�attention, l�auteur comprend que, quand il s�agit d�enfants, le nombre n�est pas une compensation pour les pertes subies; c�est ici le domaine du c�ur, o� les chiffres perdent leurs droits. Aussi se borne-t-il � indiquer le m�me nombre d�enfants qu�avant la catastrophe (Job 1:2). La seule diff�rence, c�est que cette fois-ci nous apprenons les noms des trois s�urs.

J�mima, peut-�tre colombe; pure comme une colombe. D�autres : belle comme le jour.

Ketsia, nom tir� du cassia, �corce odorif�rante. Comparez Cantique 1:3.

K�ren-Happuc, corne (fiole) de cosm�tique. Le mot de puc, rendu ici par cosm�tique, l�a �t� dans 2 Rois 9:30 et J�r�mie 4:30 par fard, dans �sa�e 54:11 par antimoine, dans 1 Chroniques 29:2 par pierres noires. Voir les notes � ces deux derniers passages.

Le verset 15 montre qu�elles �taient bien ce que leurs noms indiquaient.

La seconde partie du verset n�est pas destin�e � donner une haute id�e de la fortune de Job, mais bien de l�importance qu�il attachait � ce que des liens �troits subsistassent entre tous ses enfants, m�me apr�s leur mariage. Comparez Job 1:4.

Cent quarante ans. Ceci montre de nouveau l�intention du po�te de placer toute cette histoire dans le temps des patriarches, qui mouraient aussi �g�s et rassasi�s de jours (Gen�se 25:8; Gen�se 35:29).

Conclusion sur l��pilogue

La r�habilitation de Job sugg�re plusieurs observations.

  1. �lihu n�est pas nomm�, et cependant on pourrait s�attendre � ce qu�il f�t lou� comme s��tant le plus rapproch� de la pens�e divine.
  2. Le motif de l��preuve de Job ne lui est pas r�v�l�.
  3. La restauration est purement mat�rielle.

1) Mais si �lihu n�est pas nomm�, ce n�est pas, comme plusieurs le pensent, parce que son discours ne faisait pas, dans le principe, partie du po�me et qu�il y a �t� ajout� plus tard, car il e�t �t� bien facile � l�auteur de cette adjonction d�intercaler en terminant un mot qui v�nt corroborer son explication. L�absence de bl�me suffit � mettre �lihu au-dessus des trois amis; l�absence de louange r�sulte de ce que lui-m�me n��tait pas encore pleinement initi� � la v�rit�, parce qu�il ne poss�dait pas la cl� du probl�me renferm�e dans le prologue.

2) Cette ignorance o� il est laiss� est sans doute destin�e � nous faire comprendre que l�homme doit se r�signer � passer sa vie enti�re sans saisir toute la pens�e de Dieu, et en acceptant avec une confiance aveugle ses dispensations. Cela ne veut pas dire que nous devions ignorer toujours le plan de Dieu : le livre m�me de Job nous le fait conna�tre sur un point capital. Le lecteur est �clair� l� o� Job et �lihu lui-m�me demeurent dans les t�n�bres. Il y a donc progr�s dans la r�v�lation; ce que Job et Elibu ignorent encore, l�auteur de notre livre le r�v�le � ses lecteurs; c�est un pionnier dans le domaine de la v�rit� r�v�l�e. Il a le sentiment d�apporter au monde un rayon de lumi�re qui n�avait pas brill� jusqu�alors dans le c�ur des justes, pour les �clairer dans leurs souffrances plus ou moins imm�rit�es.

3) On est surpris de voir toute la r�habilitation de Job consister en b�n�dictions temporelles : nombre double de bestiaux; naissance de nouveaux enfants, dont les filles sont particuli�rement belles; prolongation consid�rable de vie. Nous avons d�j� touch� cette question dans notre introduction. L�auteur tient seulement � montrer qu�il y a eu r�habilitation. Quant � la nature du r�tablissement, il en demeure strictement au point de vue de l�ancienne alliance. Le juste de l�Ancien Testament pouvait souhaiter ardemment et m�me contempler par moments, et par un effort supr�me, la vie future (Job 19:23-29); mais c��taient l� des choses qui n��taient pas encore mises en �vidence. Pour nous, en tout cas, le mode de restauration de Job appara�t insuffisant; mais c�est pr�cis�ment ce caract�re d�insuffisance qui force � attendre quelque chose de mieux et � songer � une restauration sup�rieure, dont celle-ci n�est que le pr�lude et la faible image. Si l�on rapproche Jacques 1:12 de Jacques 5:11, on sent que c�est bien ainsi que les premiers chr�tiens comprenaient notre livre. Ne trouvons point �trange, dit Calvin dans son dernier sermon sur le livre de Job, que pour ce temps-l� Dieu ait voulu par cette prosp�rit� terrienne et caduque d�clarer son amour envers les fid�les; car il n�y avait point alors telle r�v�lation de vie c�leste comme elle est aujourd�hui en l��vangile : J�sus-Christ n��tait point manifest�, lequel est descendu ici-bas pour nous attirer l�-haut, lequel a v�tu notre chair afin de nous montrer que Dieu habite en nous et qu�il nous a conjoints � sa gloire et � son immortalit�. Ces choses-l� n��taient point encore. Il a donc fallu que les fid�les fussent trait�s en partie comme des petits enfants. Et voil� pourquoi, quand il est parl� des P�res anciens en l��criture, notamment il est dit que Dieu les a b�nis en lign�e, en bestial, en possessions et choses semblables et m�me en longue vie. Et pourquoi ? Il fallait qu�ils fussent aid�s par ces moyens-l�, en attendant que la vie c�leste nous f�t r�v�l�e�

Conclusion sur le livre de Job

Heureux, dit le psalmiste, celui qui se conduit sagement envers le mis�rable, ou, selon la paraphrase de Calvin, l�homme entendu � l��gard de l�afflig� et qui en juge prudemment (Psaumes 41:1). Les amis de Job n�ont pas eu cette prudence-l�. Les Juifs se sont �galement tromp�s quand ils ont pris pour un homme battu de Dieu, � cause de ses propres p�ch�s, le juste qui mourait pour les leurs (�sa�e 53:11). Et aujourd�hui encore il ne manque pas de personnes qui se croient dans la v�rit� quand elles mettent toute souffrance en relation directe avec le p�ch� personnel. C�est l� une pens�e naturelle au c�ur de l�homme. Volontiers on change en une faute le malheur du prochain et l�on ne se doute pas qu�en g�n�ralisant une v�rit� particuli�re, on tombe dans une supr�me injustice, capable d�aigrir, peut-�tre m�me de troubler profond�ment les afflig�s auxquels on ajoute ainsi l�affliction. On n�est pas m�me toujours dans le vrai quand on regarde l��preuve du juste comme un rem�de prophylactique contre l�orgueil on contre les germes du p�ch� qui se trouvent dans tout c�ur d�homme et qui se d�velopperaient peut-�tre au sein d�une vie trop facile. La pens�e de Dieu est plus �lev�e m�me que celle d��lihu, et, sous ce rapport, notre livre renferme une le�on que nous ferons bien de ne pas laisser �couler lorsque nous nous trouverons en face de fr�res visit�s par la souffrance.

Et pour ceux-l� m�mes qui souffrent, quelle consolation ! Il est des cas o� Dieu inflige la souffrance � l�homme, non en raison de ses p�ch�s accomplis � expier, ni m�me en vue de ses dispositions morales � am�liorer et des fautes qu�il pourrait commettre, � pr�venir, mais en vue de Lui, Dieu, et de son propre honneur. Il est alors donn� � l�homme de jouer un noble r�le dans l�univers, celui d��tre le vengeur de son Cr�ateur outrag� et de faire �clater sa gloire jusque dans les sph�res sup�rieures � celles de l�humanit�. Cet enfant rachitique, pr�s de quitter la vie apr�s n�en avoir connu que les douleurs; cette m�re, que vingt ans de maladie retiennent sur un lit de souffrance, priv�e du bonheur d��lever elle-m�me sa jeune famille; ce p�re probe et laborieux, qui voit la fleur de sa force se fl�trir au souffle d�un mal incurable, et cela au moment m�me o� son travail serait le plus n�cessaire � ses enfants; ce n�gociant irr�prochable qui, pour n�avoir pas consenti � commettre une bassesse, se voit expos� avec les siens � la honte de la banqueroute et � toutes les privations de l�indigence, ils feront avant tout le compte de leurs voies et sonderont leur c�ur; ils s�humilieront sans doute, s�il y a lieu, au souvenir du pass� et � la vue du dedans. Mais si, apr�s tout cela, ils trouvent encore dans leur infortune quelque inexplicable reste, qu�ils se gardent de se laisser entra�ner, comme Job dans certains moments, au doute � l��gard de la sagesse et de la justice de Dieu, et qu�ils se disent : Dieu veut me donner � moi, ch�tif, l�occasion de montrer que je l�aime pour Lui, non pour les biens dont il me fait jouir, que je l�aime malgr� les �preuves dont il m�accable. Ma mission est maintenant de souffrir joyeusement pour Lui. Peut-�tre, � cette heure, mes douleurs docilement accept�es seront-elles un holocauste dont la fum�e montera jusqu�aux cieux des cieux, et Dieu va-t-il remporter par moi, ver de terre �cras� sous son pied, une victoire �clatante sur son adversaire et sur le mien. Consentir � jouer ce r�le, c�est de la part de l�homme l�acte incomparable, l�h�ro�sme sous sa forme la plus sainte; le remplir comme Job, c�est r�aliser la destination supr�me de la cr�ature� Cette pens�e �tait une de celles qui soutenaient les ap�tres dans leur p�nible carri�re : Dieu nous a, dit saint Paul (1 Corinthiens 4:9), expos�s publiquement comme les derniers des hommes et comme des condamn�s � mort, et il a fait de nous un spectacle pour le monde, pour les anges et pour les hommes� Fr�d�ric Godet, �tudes Bibliques

Renan, peut-�tre parce qu�il n�a pas compris ce po�me (qu�il a si bien traduit), n�en pr�tend pas moins qu�il pose le probl�me de la souffrance, mais ne le r�sout pas.

Par moments, Job semble soulever le voile des croyances futures; � il sait qu�il sera veng� Mais ces �clairs sont toujours suivis des plus profondes t�n�bres; le spectacle de la mis�re de l�homme, les lentes destructions de la nature, cette horrible indiff�rence de la mort qui frappe sans distinction le juste et le coupable, l�homme heureux et l�infortun�, le ram�nent au d�sespoir � pages 83-84

Job n�a jamais d�sesp�r�, et sa fin n�a rien de d�sesp�rant.

Or cette pens�e-l�, cette conception de la souffrance du juste, d�o� vient-elle � l�auteur de notre po�me ? Qui aurait jamais soup�onn� que les maux les plus terribles et les plus humiliants auxquels est expos�e une cr�ature fid�le puissent contribuer � la gloire du tout-puissant Cr�ateur ? Nous nous demandions nagu�re o� notre auteur avait trouv� la pens�e de la sc�ne c�leste qu�il nous pr�sente � deux reprises dans le Prologue. Nous demandons maintenant o� il peut bien avoir trouv� cette notion si �lev�e et si pr�cieuse de la souffrance ? N�est-ce pas l� un joyau qui lui a �t� confi� d�en-haut ? Et n�est-ce pas la joie de se sentir en possession de ce tr�sor qui l�a rendu capable de composer cette �uvre admirable qui, au simple point de vue litt�raire, se maintient constamment dans des hauteurs o� les autres produits du g�nie de l�homme ne parviennent qu�� de rares intervalles ?

Nous venons de parler de la beaut� constante de ce po�me. Qu�on se rappelle la foule de tableaux frappants, de reliefs profond�ment fouill�s, de descriptions �clatantes qui passent successivement sous les yeux du lecteur au cours de ces quarante-deux chapitres; il y a de l�art jusque dans les apparentes d�faillances de la composition : ainsi, par exemple le dernier discours de Bildad (chapitre 25) est, nous a-t-il paru, intentionnellement faible. Est-ce � dire que, comme on le pense souvent, cette beaut� ininterrompue finisse par lasser, suivant l�adage :

L�ennui naquit un jour de l�uniformit� ?

Nous ne le pensons pas. De loin et lues superficiellement, les attaques des trois amis et les r�ponses de Job peuvent para�tre monotones. Mais, si l�on y regarde de plus pr�s, on �prouve une sensation toute autre.

Quoi de plus vari� et de plus riche en impr�vu que l�invocation de Job r�clamant, pour maudire efficacement la nuit de sa naissance, le secours des experts en incantations (Job 3:8); que la mani�re en laquelle �liphaz d�crit la vision nocturne qui l�a confirm� dans sa mani�re de juger la souffrance (Job 4:12-21); que les images dont Job se sert pour faire comprendre la d�ception que lui ont caus�e ses amis par leur absence de sympathie (Job 6:15-20); que la haute id�e qu�il se fait de la souverainet� incontestable de Dieu, qu�on l�accuse d�ignorer ou d�oublier (Job 9:2-12; Job 12:13-23) ? Qu�on se rappelle encore, au d�faut de la piti� divine, son appel d�sesp�r� � la piti� de ses amis (Job 19:21); la duret� de Tsophar (Job 20:24-29), l�admirable chapitre 29 tout entier, etc.; autant de morceaux touchants ou v�h�ments, tendres ou froids, suppliants ou ironiques.

Et, � c�t� de cette vari�t� de d�tails, quelle vie, quel mouvement, dans l�ensemble de l�ouvrage, et comme tout y marche ! Ce point vaut que nous nous y arr�tions un instant.

Tout d�abord, chacun des trois amis a une figure � part. �liphaz emploie des expressions qui ne se trouvent que dans sa bouche : ainsi crainte tout court, dans le sens de crainte de Dieu, ou de pi�t� (Job 4:6; Job 15:4; Job 22:4); �tre d�truit (Job 4:7; Job 15:28; Job 22:20); �tre utile (Job 15:3; Job 22:2). Bildad a quelque chose de particuli�rement sentencieux (chapitres 8 et 18); deux fois il entre en mati�re par la question : Jusqu�� quand ? (Job 8:2; Job 18:2), qui ne se trouve dans la bouche de Job que comme un rendu (Job 19:2); il est le seul des trois qui emploie le verbe cro�tre, s��lever, prosp�rer (Job 8:11; Job 12:23). Tsophar enfin a pour sp�cialit� de ne pas reculer devant l�emploi d�images peu relev�es : il parle d�un homme creux pour dire un homme qui n�a pas de c�ur et dont la poitrine est vide (Job 11:12). Voir encore Job 20:7; Job 20:14; Job 20:15; Job 20:20; Job 20:23. On est presque tent�, lorsqu�on �tudie le texte de pr�s et dans l�original, de se demander si, dans le principe, les trois amis n��taient pas trois personnes r�elles qui se seraient partag� les r�les et qui auraient parl� chacune suivant son caract�re et sa tournure d�esprit.

Mais, ind�pendamment de cette originalit�, qui n�est probablement qu�un artifice de l�auteur unique du po�me, il est �vident que, � mesure que la discussion se prolonge, Job se rel�ve et progresse, tandis que ses amis d�clinent. Il y a l� comme deux chemins qui partent � peu pr�s du m�me point, mais dont un monte, tandis que l�autre descend, si bien que, enfin de compte, Job a l�honneur bien significatif d��tre choisi pour obtenir, comme un sacrificateur agr�able � Dieu, la gr�ce de ses amis profond�ment abaiss�s par un bl�me direct. Dans le principe, quand on entend les plaintes v�h�mentes de Job, quand on le voit �clater en reproches amers sans que personne lui ait dit un mot, on ne peut s�emp�cher d�admirer la mod�ration d��liphaz, qui se contente de lui r�pondre � peu pr�s en ces termes :

Tu te f�ches quand on ne te parle pas; tu te f�cheras plus encore si l�on te r�pond. Et cependant comment pourrait-on garder le silence (Job 4:2) ?

Cette impression est d�autant plus forte que les amis, apr�s tout, d�fendent une id�e juste en soi et fausse seulement par l�application qu�ils en font au cas de Job. Mais peu � peu l�insistance avec laquelle ils en reviennent toujours � leur unique principe et la pauvret� de leur morale, les allusions p�nibles, les personnalit�s blessantes qu�ils se permettent, leur absence de sensibilit�, pour ne pas dire la duret� dont ils font preuve, leur ali�nent les c�urs, tandis que Job les gagne, non seulement par la grandeur de ses souffrances, que le lecteur sait �tre imm�rit�es, mais encore par le danger, qu�on le voit courir par moments, de tomber dans le blasph�me, par ses cris de d�tresse, par la connaissance profonde qu�il a des perfections divines, par sa foi qu�il conserve malgr� tout et qui m�me devient toujours plus assur�e (Job 10:9 et suivants, Job 14:15; Job 16:19 et suivants, Job 17:9, 19.25 et suivants). On est heureux de le voir demeurer ma�tre du terrain dans sa lutte avec les hommes, et l�on pressent qu�il deviendra m�me un nouvel Isra�l, vainqueur en luttant avec Dieu. Enfin on est enti�rement gagn� par l�apaisement qui se produit dans son c�ur apr�s la violente temp�te qui est venue fondre sur lui. � partir du chapitre 27, son discours sentencieux commence � se d�rouler sous la forme d�un monologue, plein d�une l�gitime fiert� (Job 27:11 et suivants), car il conna�t la sagesse qui est rare ici-bas (chapitre 28); plein de regrets �galement fond�s (chapitre 29), plein du sentiment de son innocence (chapitre 31). On sent apr�s cela que la diversion amen�e par la subite intervention d��lihu ne peut �tre qu�un acheminement au glorieux d�nouement du drame. Il ne manquait qu�une chose � ce juste, c��tait d��tre consacr� par la souffrance (H�breux 2:10). Il l�est maintenant, et vraiment la prosp�rit� mat�rielle qui lui est rendue, ne semble �tre apr�s cela qu�une pite et, en quelque sorte, que la k�sita de la Providence.

Il nous est donc absolument impossible de comprendre comment Renan a pu porter sur ce po�me le jugement suivant :

L�action, la marche r�guli�re de la pens�e, qui font la vie des compositions grecques, manquent ici compl�tement. D�un bout � l�autre du po�me, la question ne fait pas un seul pas. L�auteur, comme tous les S�mites, n�a pas l�id�e des beaut�s de composition r�sultant de la s�v�re discipline de la pens�e

L�habilet� de l�auteur se montre �galement, et nous ne faisons ici que grouper les r�sultats de diverses observations d�j� faites � l�occasion, dans la fid�lit� avec laquelle en toute chose il en reste au temps des patriarches, o� il lui a plu de se transporter : long�vit�, genre de richesse, p�re de famille sacrificateur au milieu des siens, vision de nuit, monnaie employ�e, instruments de musique (Job 21:12 et Job 30:31; comparez avec Gen�se 4:21 et Job 31:27). De m�me, pour d�signer la divinit�, il en demeure aux noms antiques de El, Eloah, Schadda�, et il n�emploie le nom sp�cifiquement isra�lite de J�hova (l��ternel) ou d�Adona� (le Seigneur) que dans Job 12:9, o� il semble citer une expression proverbiale, et dans chapitre 1 et Job 28:28. Ce ne sont l� que de l�g�res inadvertances, comparables � celles de Job 40:4; Job 40:14 o� le po�te semble oublier que c�est Dieu qui est cens� parler dans ce chapitre.

Que n�anmoins l�auteur soit un isra�lite, c�est ce qui r�sulte, non seulement de ce qu�il lui arrive, une fois, de parler du Saint (Job 6:10), notion de la divinit� tout � fait inconnue en dehors de la th�ocratie, et, plusieurs fois, de l�impi�t� comme n�en peut parler que quelqu�un qui se trouve en face d�une r�v�lation positive (Job 6:10; Job 21:14; Job 22:22; Job 23:11-12; Job 31:7) : certaines descriptions, telles que Job 22:6-9; Job 29:12-17, et l��tonnante d�licatesse de sentiments que d�notent des passages tels que Job 31:1 et suivants; Job 31:13-15, font songer � diverses recommandations du Pentateuque et trahissent chez celui qui s�exprime ainsi l�effet de la discipline sainte de la Loi.

return to 'Top of Page'
Informations bibliographiques
bibliography-text="Commentaire sur Job 42". "Bible annotée". https://beta.studylight.org/commentaries/fre/ann/job-42.html.