Bible Commentaries
Daniel 6

Daniel dans la fosse aux lions

D�apr�s le verset 28, l��v�nement racont� dans ce chapitre para�t avoir eu lieu � Babylone aux premiers temps du gouvernement de Darius le M�de (538). Il pr�sente de nombreuses analogies avec celui qui fait le sujet du chapitre 3 et l�on a cru y d�couvrir des indices pareils d�inauthenticit�, en particulier des allusions nombreuses � la pers�cution des Juifs par Antiochus �piphane. � ce que nous avons r�pondu � la fin du chapitre 3, nous ajouterons les r�flexions suivantes?:

1. Ce n�est pas en tant qu�adorateur de Dieu que Daniel est appel� � souffrir et parce que sa pi�t� serait un obstacle � la prosp�rit� du royaume, comme c��tait le cas des Juifs sous Antiochus, mais bien � cause de sa haute position civile qui fait de lui le point de mire des men�es jalouses de ses subordonn�s.
2. Si c�est Antiochus qui est repr�sent� sous le personnage de Darius, comment concilier la faiblesse de caract�re de celui-ci avec l�obstination bien connue du monarque syrien?; comment admettre qu�un auteur maccab�en e�t fait parler son pers�cuteur ainsi que parle Darius versets 26 et 27?? Et enfin si c�est Antiochus qui appara�t successivement sous les figures de N�bucadnetsar, Belsatsar et Darius, comment se fait-il qu�apr�s avoir �t� jug� et avoir re�u le prix de ses forfaits, chapitre 5, il reparaisse tout � coup pour publier l��dit qui termine le chapitre 6??

On a souvent mis en doute l�existence du Darius dont il est question ici et contest� le fait d�une domination m�de � Babylone. H�rodote, B�rose, le Canon de Ptol�m�e ne nomment pas Darius et font succ�der Cyrus imm�diatement au dernier monarque chald�en.

D�autre part nous avons des indices qu�entre la prise de Babylone par Cyrus et l��tablissement de celui-ci comme roi � Babylone il s��coula un intervalle de deux ann�es?: La destruction de Babylone eut lieu en 538 et l�on est g�n�ralement d�accord pour fixer le retour de la captivit� � l�an 536. Or, d�apr�s tous les t�moignages bibliques (2�Chroniques�36.22?; Esdras�1.1?; etc.), ce retour eut lieu la premi�re ann�e du roi Cyrus. Sur les contrats babyloniens en �criture cun�iforme, Cyrus n�est qualifi� de roi de Babylone, roi des nations, qu�� partir de l�an 3 compt� apr�s la prise de la cit�?; dans les contrats de l�an 1 et de l�an 2 il est appel� seulement roi des nations (Lenormant). On s�explique ainsi que, d�apr�s certains auteurs, Cyrus ait r�gn� sept ans (X�nophon), d�apr�s d�autres neuf (Abyd�nus, le Canon de Ptol�m�e). La pr�somption que ces derniers faits cr�ent en faveur d�une domination m�de qui aurait dur� deux ans � Babylone, devient presque une certitude, surtout en regard des passages que nous avons cit�s en introduction. On est donc conduit, � identifier Darius le M�de avec le Cyaxare II de X�nophon. Ce que cet auteur raconte du caract�re et de l��ge de Cyaxare correspond parfaitement avec ce qui est dit, de Darius dans notre chapitre. Quant � la diff�rence de nom, l�historien Jos�phe nous dit que Darius le M�de �tait connu sous un autre nom chez les Grecs. Cette diff�rence n�est du reste pas grande, car Darius (Darjawesch) signifie dominateur et Cyaxare (Ouwakshatra) veut dire potentat?; et les deux noms paraissent �tre des titres royaux.

On comprend ais�ment que lors m�me que ce ne fut qu�en qualit� de vassal du roi m�de que Cyrus prit Babylone, il fut cependant consid�r� par la tradition comme ayant r�gn� tout de suite, vu le caract�re effac� du roi m�de et le peu de temps qu�il r�gna. L�expression re�ut le royaume, Daniel�5.31, si on ne veut pas la comprendre dans le sens de?: re�ut de Dieu (comparez la tournure analogue, fut fait roi, Daniel�9.1), convient parfaitement � la passivit� d�un Cyaxare qui, quoique suzerain et oncle de Cyrus, ne prit aucune part effective � la campagne contre Babylone et au passage de la Cyrop�die o� Cyrus annonce � Cyaxare qu�il lui a pr�par� un palais � Babylone.

Nous devons encore mentionner une autre explication propos�e ces derniers temps par M. Lenormant, qui consid�re comme impossible tout ce que dit X�nophon des rapports entre Cyrus et Cyaxare. D�apr�s lui, Cyrus aurait investi de la royaut� pour quelque temps, comme prix de sa trahison, un grand personnage d�origine m�dique qui avait contribu� � lui livrer la ville et qu�Abyd�nus d�signe dans un de ses fragments comme un M�de dont se glorifiait jusqu�alors l�Assyrie. Mais ce M�de peut tr�s bien �tre Cyaxare lui-m�me.

Edit royal provoqu� par la jalousie des ministres contre Daniel (1-9)

Des satrapes. Voyez Daniel�3.2. Ce titre est naturel ici, puisqu�il s�agit d�un gouvernement perse.

Au nombre de cent vingt. On a object� que X�nophon ne parle que de six satrapes envoy�s par Cyrus dans les provinces, mais il n�est question dans ce passage (Cyrop�die, livre VIII, chapitre 6) que des provinces de l�Asie-Mineure et de l�Arabie. On a �galement object� le rapport d�H�rodote qui dit (livre III, 89) que Darius, fils d�Hystaspe, trouva bon de diviser le royaume en vingt gouvernements ou satrapies et les inscriptions perses de ce roi donnent le m�me chiffre de provinces. Mais on voit que dans H�rodote il s�agit d�une nouvelle r�partition du royaume en cercles d�imp�ts et les monarques perses n�ont certainement pas attendu jusqu�� lui pour �tablir dans les provinces de leur vaste empire des fonctionnaires charg�s de parer aux premiers sympt�mes de soul�vement. Nous savons du reste positivement que le chiffre des provinces perses a beaucoup vari� selon les temps?; ainsi, sous le roi Assu�rus (Xerx�s), on en comptait cent vingt-sept (Esther�8.9?; Esther�9.30) ayant � leur t�te des satrapes et des gouverneurs.

Dont Daniel �tait l�un. Darius ne fit ainsi que conserver � Daniel la place que celui-ci avait re�ue de Belsatsar la nuit du festin.

Ce Daniel (comparez versets 5 et 28), si merveilleusement favoris� jusqu�ici.

Un esprit extraordinaire?: comparez Daniel�5.12.

Alors. C�est donc uniquement l�intention connue du roi d��tablir Daniel sur tout le royaume qui pousse ces hommes � chercher � le mettre en faute.

La loi de son Dieu, n�est que le moyen dont ils se servent pour arriver � leurs fins. Il n�est pas plus n�cessaire ici qu�au verset 6, de supposer, comme on l�a fait encore r�cemment, que tous les ministres et les satrapes s�assembl�rent � Babylone � cette occasion. Le mot tous n�est employ� qu�au verset 7 (comparez encore verset 21, note).

Tous. Ils s�exprimaient ainsi afin de donner plus de poids � leur proposition et surtout pour �loigner toute id�e d�exception, sp�cialement par rapport � Daniel. C��tait un mensonge, puisque Daniel n�avait pas �t� consult�, mais ce mensonge fit que le roi ne soup�onna pas les projets de ces hommes. Il croyait Daniel d�accord avec eux.

Ministres du royaume. Ce terme est employ� ici dans le sens g�n�ral de fonctionnaires et non comme au verset 2. Il para�t comprendre les quatre classes mentionn�es ensuite?: les chefs, les satrapes, les conseillers et les gouverneurs. Comparez Daniel�3.2.

Si ce n�est � toi, � roi. Adorer le roi, d�apr�s les id�es religieuses des Perses, n��tait pas chose impie, au contraire. Les auteurs anciens t�moignent que le roi perse �tait r�v�r� comme fils et image des dieux et m�me comme dieu. Il en �tait de m�me chez les anciens �gyptiens et les �thiopiens?; on sait qu�Alexandre-le-Grand se fit rendre en �gypte les honneurs divins. La proposition des ministres ne porte donc rien en soi d�extravagant ou d�invraisemblable. Darius, qui ne connaissait pas les desseins de ses fonctionnaires, accepta leur proposition (verset 9), sans doute comme un moyen excellent d��prouver la fid�lit� de ses nouveaux sujets. Les populations soumises n��taient pas contraintes par l� d�adopter la religion du vainqueur, mais seulement d�accomplir un acte par lequel elles le reconnaissaient comme l�incarnation du Dieu supr�me, victorieux en sa personne de leurs dieux nationaux. Cette conception est parfaitement conforme � la notion antique d�un monarque universel. Seuls les Juifs ne pouvaient sans infid�lit� acc�der � la volont� du souverain.

Le sens de la premi�re partie du verset est?: Fais la chose en toutes formes.

Selon la loi du M�de et du Perse. Le premier des rois m�des, D�joces, s��tait appliqu� � faire du roi un personnage sacr�, entour� d�une v�n�ration extraordinaire et dont toutes les paroles, surtout une fois consign�es et enregistr�es, avaient un caract�re irr�vocable (comparez Esther�1.19?; Esther�8.8).

L�auteur de Daniel fait la distinction entre une dynastie m�de et une dynastie perse successives (comparez verset 28), mais il ne conna�t qu�un seul royaume et une seule loi. Comparez Daniel�7.5, note.

Daniel jet� dans la fosse aux lions pour sa fid�lit� � Dieu (10-17)

Ouvertes?: non grill�es comme souvent en Orient. Comparez �z�chie 40.16. Le texte ne signifie pas que Daniel ouvrit ces fen�tres � ce moment-l�, comme pour braver, ainsi qu�on le croit d�ordinaire. Il s�agit d�une disposition tenant � la construction m�me de la chambre haute.

La chambre haute �tait la construction l�g�re �lev�e sur le toit des maisons, o� l�on se retirait lorsque l�on d�sirait �tre tranquille, par exemple pour prier. Actes�1.13?; Actes�10.9.

Du c�t� de J�rusalem. Comparez 1�Rois�8.38?; 1�Rois�8.44?; 1�Rois�8.48 et Psaumes�28.2.

Trois fois. L��tablissement de la coutume de prier trois fois par jour, que nous rencontrons dans le Nouveau Testament est attribu� par la tradition rabbinique aux hommes de la grande Synagogue, post�rieure � l��poque o� Daniel vivait?; mais il est tr�s possible qu�elle exist�t d�j� auparavant comme habitude particuli�re � certains hommes pieux, surtout pendant l�exil et en l�absence des sacrifices. On en voit les premiers vestiges dans Psaumes�55.18.

L�un des captifs de Juda. Daniel est pr�sent� ici, non comme le fonctionnaire aim� du roi, mais comme membre d�un peuple �tranger et soumis, afin de faire ressortir la gravit� de sa d�sob�issance au point de vue politique.

Il prit � c�ur?: cherchant dans les lois si elles n�offriraient pas quelque moyen d�annuler le ch�timent m�rit�.

Jusqu�au coucher du soleil?: peut-�tre parce qu�� ce moment-l� les affaires cessaient.

Puisse ton Dieu� Le roi pouvait avoir entendu parler des miracles accomplis par le Dieu de Daniel sous les r�gnes de N�bucadnetsar et de Belsatsar.

La fosse aux lions. Les bas-reliefs d�Assourbanipal repr�sentent des cages dans lesquelles se trouvent des lions captifs amen�s � Ninive pour l�usage du roi. Il ne faut pas, ainsi que plusieurs critiques le font de mani�re � rendre le r�cit invraisemblable, se repr�senter la fosse aux lions comme une esp�ce de caveau �troit et obscur ayant la forme d�un entonnoir renvers� et ferm� en haut par une pierre, ainsi qu�une citerne peut l��tre. Le voyageur H�st a vu des fosses aux lions au Maroc et en a donn� une description qui para�t s�appliquer � celle qui existait � Babylone. Ces fosses sont � ciel ouvert et divis�es en deux compartiments par un mur perc� d�une ouverture que l�on peut ouvrir et fermer � volont� du dehors?; leur niveau est plus bas que celui du sol environnant?; elles sont entour�es d�un mur �lev� de quelques pieds pardessus lequel on peut voir dans la fosse. Une porte, par o� l�on introduit les animaux, donne acc�s de l�ext�rieur � l�int�rieur de la fosse. Comparez �galement la fosse aux ours � Berne. Rien n�emp�che de se figurer la fosse aux lions de Babylone am�nag�e sur un mod�le analogue. On comprend alors qu�un certain nombre de personnes puissent �tre jet�es dans la fosse, verset 21 et que Darius puisse parler � Daniel avant que la pierre qui fermait la porte f�t descell�e, verset 20.

De l�anneau de ses grands seigneurs?: afin que les accusateurs fussent assur�s que Darius n�avait rien fait pour arracher Daniel � la mort.

Pr�servation de Daniel (18-24)

Au point du jour?: � la premi�re lueur de l�aurore.

Dieu vivant. C�est une fa�on de parler propre aux Isra�lites?: comparez Psaumes�42.3?; Psaumes�84.3?; 1�Samuel�17.36?; etc. Darius peut l�avoir entendue la veille de la bouche de Daniel. Elle est du reste en rapport �troit avec l�acte que le roi esp�re de la part de ce Dieu et peut lui avoir �t� inspir�e directement.

Parla avec le roi. Le mot parla dans ce contexte a une valeur particuli�re?: cette voix qui part de la fosse est � elle seule une r�ponse.

Ne m�ont fait aucun mal. Litt�ralement?: ne m�ont aucunement l�s� parce que je n�avais aucunement l�s� (fin du verset). Daniel n�a pas p�ch� contre l�esprit, mais seulement contre la lettre de l��dit et le roi sait reconna�tre qu�il a agi comme il l�a fait, non par insubordination envers lui, mais par fid�lit� � Dieu.

Fit retirer. En pr�sence de cette intervention visible du Dieu de Daniel, le roi reprend l�autorit� qui lui appartient. Tout ceci est tr�s psychologique.

Ceux qu�on ex�cute ici ne sont pas tous les fonctionnaires de l�empire, mais ceux qui avaient men� l�affaire � Babylone.

Eux, leurs femmes et leurs enfants. C��tait l�usage en Perse de d�truire la famille enti�re avec le coupable. Comparez le r�cit d�H�rodote, livre III, 119, sur le supplice d�Intaphernes?; cela �tait d�fendu chez les Juifs (Deut�ronome�24.16), sauf dans le cas sp�cial d�interdit (Josu�7.24 et suivants).

Nouvel �dit de Darius (25-28)

Versets 25 � 27

Comparez Daniel�3.28-29?; Daniel�4.3.

Notice analogue � celle qui termine le chapitre 1.

Prosp�ra?: comparez Daniel�2.48?; Daniel�3.30.

Ce Daniel?: que ses ennemis voulaient perdre. Cette expression, qui revient trois fois dans le courant du r�cit, exclut la supposition que Daniel lui-m�me en soit le r�dacteur.